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robert de herte - Page 4

  • Oublier l'occident...

    Nous reproduisons ci-dessous l'éditorial de Robert de Herte (alias Alain de Benoist), publié dans le numéro 139 (avril - juin 2011) de la revue Eléments, actuellement en kiosque. Le magazine des idées bénéficie d'une nouvelle présentation que nous vous conseillons de découvrir.

    Nous rappelons qu'il est est possible de se procurer directement ce numéro sur le site de la revue : http://www.revue-elements.com

     

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    Oublier l'Occident

    L' « Occident»? Raymond Abellio avait observé que « l'Europe est fixe dans l'espace, c'est-à-dire dans la géographie», tandis que l'Occident est « mobile». De fait, 1'« Occident» n'a cessé de voyager et de changer de sens. Au départ, le terme évoque seulement la terre du Couchant (Abendland), par opposition au pays du soleil levant (Morgenland). A partir du règne de Dioclétien, à la fin du IIIe siècle de notre ère, l'opposition entre Orient et Occident se ramène à la distinction entre l'empire romain d'Occident (dont la capitale fut Milan, puis Ravenne) et l'empire romain d'Orient installé à Constantinople. Le premier disparaîtra en 476, avec l'abdication de Romulus Augustule. Occident et Europe se confondent ensuite, durablement. Cependant, à partir du XVIIIe siècle, l'adjectif « occidental» se retrouve sur les cartes maritimes en référence au Nouveau Monde, appelé aussi « système américain », par opposition au « système européen» ou à 1'« hémisphère oriental» (qui comprend alors aussi bien l'Europe que l'Afrique et l'Asie). Dans l'entre-deux guerres, l'Occident, toujours assimilé à l'Europe, par exemple chez Spengler, s'oppose globalement à un Orient qui devient à la fois un objet de fascination (René Guénon) et un repoussoir (Henri Massis). Durant la guerre froide, l'Occident regroupe l'Europe occidentale et ses alliés anglo-saxons, Angleterre et États-Unis, pour s'opposer cette fois au « bloc de l'Est» dominé par la Russie soviétique. Cette acception, qui permet aux États-Unis de légitimer leur hégémonie, survivra à la chute du système soviétique (ainsi chez Huntington).

    Aujourd'hui, l'Occident a encore changé de sens. Tantôt il reçoit une définition purement économique: sont « occidentaux» tous les pays développés, modernisés, industrialisés, aussi bien le Japon et la Corée du Sud que l'Australie, les anciens« pays de l'Est », l'Amérique du Nord ou l'Amérique latine. « Ex Oriente lux, ex Occidente luxus », disait plaisamment l'écrivain polonais Stanislaw Jerzy Lee. L'Occident perd alors tout contenu spatial pour se confondre avec la notion de modernité. Tantôt, il s'oppose globalement à la dernière incarnation en date de la furor orientalis aux yeux des Occidentaux: l'islamisme. Dans cette vision, une fracture essentielle opposerait l' « Occident judéo-chrétien» à 1'« Orient arabo-musulman », certains n'hésitant à prédire que la lutte finale de « Rome» et d' « Ismaël» -la guerre de Gog et de Magog - débouchera sur l'ère messianique.

    En réalité, il n'existe pas plus d'« Occident» unitaire que d'« Orient» homogène. Quant à la notion d'« Occident chrétien» elle a perdu toute signification depuis que l'Europe a majoritairement versé dans l'indifférentisme et que la religion y est devenue une affaire privée. L'Europe et l'Occident se sont totalement disjoints - au point que défendre l'Europe implique bien souvent de combattre l'Occident. Ne se rapportant plus à aucune aire géographique ni même culturelle particulière, le mot « Occident » devrait en fait être oublié.

    Parlons donc plutôt de l'Europe. En inventant l'objectivité, c'est-à-dire le décentrement par rapport à soi, en cherchant à statuer objectivement sur le vrai, le juste et le bien, l'Europe a voulu d'emblée accéder à l'universel, souci que l'on ne retrouve pas dans les autres cultures. Jean-François Mattéi parle très justement de « regard théorique de l'universel ». Ce souci de l'universel a ensuite dégénéré en universalisme, religieux d'abord, puis profane (il y a autant de distance entre l'universel et l'universalisme qu'entre la liberté et le libéralisme). L'universalisme se résume dans l'idéologie du Même, dans la recherche de la Mêmeté au détriment de la Différence, dans l'affirmation du primat de l'Un sur le Multiple. Mais c'est aussi un ethnocentrisme masqué, dans la mesure où tout souci de l'universel reflète inévitablement une conception particulière de l'universel. Au départ, on avait voulu comprendre les autres à partir des autres, non à partir de soi-même, ce qui était aussi louable que nécessaire. Après quoi, on a renoncé à être soi, ce qui s'est révélé dramatique.

    L'Europe paraît aujourd'hui en déclin sur tous les plans. La construction européenne elle-même se liquéfie sous nos yeux. L'Europe n'est pas seulement 1'« homme malade de la planète économique» (Marcel Gauchet). Elle connaît une crise sans précédent de l'intelligence et de la volonté politique. Elle aspire à sortir de l'histoire, portée par l'idée que l'état présent des choses - l'illimitation du capital et de la technoscience - est appelé à se maintenir indéfiniment, qu'il n'en est pas d'autre possible, et surtout qu'il n'en est pas de meilleur. S'abandonnant à un mouvement qui en a fait l'objet de l'histoire des autres, elle s'exonère d'elle-même. Entre destitution du passé et peur de l'avenir, elle ne croit plus qu'à une morale abstraite, à des principes désincarnés qui lui épargneraient d'avoir à persister dans son être - fût-ce en se métamorphosant. Oubliant que l'histoire est tragique, croyant pouvoir rejeter toute considération de puissance, recherchant le consensus à tout prix, flottant en état d'apesanteur, comme entrée en léthargie, non seulement elle paraît consentir à sa propre disparition, mais elle interprète cette disparition comme la preuve de sa supériorité morale. On pense évidemment au « dernier homme» dont parlait Nietzsche. C'est pourquoi la seule chose qui ne décline pas, c'est l'interrogation sur le déclin - qui se décline partout. Cette interrogation ne relève pas simplement de la tradition du pessimisme culturel. Il s'agit de savoir si l'histoire obéit à des lois intrinsèques excédant l'action des hommes. S'il y a déclin de l'Occident, en tout cas, ce déclin vient de loin et ne saurait se ramener à la conjoncture actuelle, la mondialisation par exemple. Le destin d'une culture est contenu dans son origine. Sa fin même est déterminée par l'origine, car c'est cette origine qui détermine sa trajectoire, sa capacité narrative et le contenu de sa narrativité. Historiquement, l'idée occidentale s'est d'abord exprimée sous une forme métaphysique, puis idéologique, puis « scientifique». Elle s'épuise aujourd'hui, de toute évidence. L'Occident a exprimé tout ce qu'il avait à dire, il a décliné ses mythèmes sous toutes les formes possibles. Il s'achève dans la dissolution chaotique, l'épuisement des énergies, le nihilisme généralisé.

    Toute la question est de savoir s'il existe une autre culture qui, s'étant déjà approprié la modernité, puisse proposer au monde une nouvelle forme de maîtrise de l'universel théorique et pratique, ou si la culture occidentale, parvenue en phase terminale, donnera d'elle-même naissance à une autre. Quand une culture s'achève, en effet, une autre peut toujours la remplacer. L'Europe a déjà été le lieu de plusieurs cultures, il n'y a pas de raison qu'elle ne puisse pas être encore le foyer d'une culture nouvelle, dont il s'agit alors de déceler les signes avant-coureurs. Cette nouvelle culture fera suite à la précédente, mais n'en sera pas le prolongement. Plutôt que de verser dans des lamentations inutiles, il vaut mieux avoir le regard assez aigu pour voir où - dans quelles marges - croît ce qui permet de garder espoir. On en revient à Spengler, mais avec un correctif: ce qui s'achève annonce un nouveau commencement.

    Robert de Herte

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  • Liberté, égalité, identité !...

    Nous reproduisons ci-dessous un éditorial de Robert de Herte (alias Alain de Benoist) paru dans la revue Eléments (été 2004) et consacré à la question de l'identité...

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    Liberté, égalité, identité

     

    Que faut-il savoir d’un individu pour établir son identité ? Ce qui le caractérise en propre ou à quelles catégories il appartient ? Et que faut-il savoir de soi pour répondre à la question : « Qui suis-je ? » Mais d’ailleurs, s’agit-il vraiment d’un savoir ? De quelque chose qu’il faudrait découvrir, soit en soi-même, soit en portant le regard au-delà de soi, ou de quelque chose qui se construit tous les jours ? Etudier la notion d’identité, c’est affronter une série de paradoxes.

     

    Un premier paradoxe est que l’identité désigne à la fois ce qui nous distingue des autres et ce qui nous rend semblable à eux ou à certains d’entre eux. L’identité renvoie aussi bien au spécifique qu’à l’identique, au semblable qu’au dissemblable, à la différence qu’à la ressemblance. D’un côté, elle répond à une logique de définition du sujet (« qui suis-je ? »), de l’autre à une logique d’appartenance (« sur quoi se fonde ma sociabilité ? »). Dans le premier cas, elle dit en quoi je diffère de tout autre que moi. Dans le second, elle fonde le lien social qui m’unit à tous ceux qui partagent les mêmes valeurs symboliques, les mêmes pratiques sociales, les mêmes formes de langage. Le concept d’identité s’articule de façon dialectique à l’interface de l’appartenance et de la singularité.

     

    Le « grand malaise » de la modernité tient à l’effacement ou à la relégation des différences, donc des identités. Mais en même temps, la question de l’identité ne se pose qu’à partir du moment où l’individu peut se poser lui-même comme source suffisante de détermination de soi. Cela signifie que le questionnement identitaire surgit à la fois de l’effacement des différences et de l’épanouissement de l’idéal d’expression de soi. La demandé d’identité est une demande « antimoderne », dans la mesure où la modernité n’a cesse d’étendre l’indistinction, mais cette demande s’exprime dans les catégories – irréversibles – de la modernité : le souci de soi. C’est un second paradoxe.

     

    L’identité n’est pas seulement un concept psychologique, à l’aide duquel on essaie de saisir l’aspect fondateur de la conscience de soi. C’est également un terme politique et social. Déjà, après 1945, la décolonisation avait eu comme moteur essentiel le déni de reconnaissance de la personnalité propre des colonisés, et par suite leur volonté d’affirmer une identité collective menacée, non pas seulement par un pouvoir politico-économique dominant, mais par une hétéroculture imposée. Contre la négation ou l’oubli d’un passé propre, elle est alors allée de pair avec la réappropriation d’une mémoire. Aujourd’hui, la globalisation stimule les prises de conscience identitaires dans la mesure même où elle tend à éradiquer les identités. La vogue de l’écologie témoigne elle-même d’une quête d’« authenticité » qui n’est pas sans rapport avec l’identité. La revendication d’identité apparaît ainsi comme le troisième volet d’un tryptique historique : on a d’abord demandé la liberté, puis l’égalité, et enfin l’identité.

     

    Les sociétés contemporaines évoluent vers un pluralisme croissant, qui se traduit par l’émergence d’une pluralité d’identités. Les revendications identitaires (linguistiques, ethnoculturelles, religieuses, sexuelles, etc.) fleurissent de toutes parts, nourrissant des débats passionnés. Ces revendications n’aspirent pas seulement à la dignité dans l’égalité, mais avant tout à une reconnaissance qui ne peut plus désormais se cantonner dans l’espace privé. L’injustice par excellence ne réside plus seulement dans les « inégalités », mais dans le déni de reconnaissance des identités, réelles ou postulées. A l’exigence quantitative de redistribution (des ressources et des biens) se substitue l’exigence qualitative et morale d’une reconnaissance de ces identités. C’est ce qu’observait Albert O. Hirschman quand il notait que « les luttes sociales prennent de plus en plus la forme de conflits relatifs à des biens “non redistribuables” dont la nature, contrairement à celle des conflits portant sur des biens qui peuvent être redistribués, exclut leur répartition selon le principe d’égalité ». Ces conflits identitaires sont d’autant plus difficiles à résoudre que, contrairement aux conflits sociaux de type classique, ils portent sur des valeurs qui par définition ne sont pas négociables.

     

    C’est donc toute l’évolution de la société globale qui fait resurgir la question de la différence et de la reconnaissance de l’altérité, renouvelant ainsi un vieux débat qui s’était déjà exprimé à l’époque de Herder dans l’opposition entre le romantisme et les Lumières. Evolution prévue par Henri Lefebvre qui, dan son Manifeste différentialiste (1970), décrivait déjà l’époque actuelle comme celle d’une « lutte titanesque où s’affrontent les pouvoirs homogénéisants et les capacités différentielles ».

     

    Il ne faut cependant pas s’y tromper : le retour en force des revendications identitaires est aussi l’indice de l’effacement des identités. Nos contemporains ont des revendications d’identité, des simulacres d’identité (pseudo-réenracinements folkloriques, réanimation artificielle de traditions sans aucune portée sociale, concurrence des « mémoires ») beaucoup plus que desidentités réelles. Si le « problème de l’identité » imprègne tant les consciences, c’est qu’il les mobilise avant tout autour d’un objet perdu, ou incertain, qui se dérobe sans cesse. Je désire d’autant plus qu’on reconnaissance mon identité que j’ai le sentiment de n’en avoir déjà plus.

     

    Le sacre de l’autonomie comme norme ultime s’est ubstitué aux « grands récits » qui conféraient naguère du sens à la vie de chacun. L’individu doit désormais déterminer lui-même le sens de son existence afin qu’elle puisse s’inscrire dans la durée. Pour ce faire, il lui faut dire ce qu’il est ou ce qu’il entend être, car décliner son identité est plus que jamais une manière de produire du sens. Mais cette exigence est elle-même paradoxale. La même modernité qui fait injonction de répondre à la question : « Qui suis-je ? » prétend en effet assurer l’autonomie du sujet dans un monde où les repères s’effacent, c’est-à-dire dans un monde où l’identité ne va plus de soi. Elle met au premier plan la notion d’identité, alors qu’elle n’a cessé de promouvoir le Même. La sensibilité égalitaire impose aux individus de se différencier dans la similitude, d’œuvrer à leur « épanouissement personnel » sur fond d’indistinction. Tâche épuisante. La crise identitaire n’est pas sans lien avec la composante dépressive ou mélancolique de la vie actuelle.

     

    Dans ces conditions, la tentation peut être grande de choisir la solution de facilité, de croire que le seul passé est le dépositaire de l’identité perdue, celle-ci étant appréhendée sur le mode de l’essence ou du dépôt intangible. « Toute utilisation de la notion d’identité commence par une critique de cette notion », disait Claude Lévi-Strauss. C’est qu’il en va de cette notion comme de bien d’autres : le mauvais usage qu’on peut en faire discrédite cet usage sans discréditer du même coup la notion, mais la notion ne saurait elle-même faire perdre de vue les mauvais usages qu’on peut en faire. L’identitarisme peut aboutir au meilleur comme au pire, inspirer la xénophobie la plus agressive ou le service du bien commun le plus désintéressé. Il faut défendre l’identité de manière positive et ouverte. Mon identité n’est pas une forteresse aveugle, une cuirasse derrière laquelle je m’abrite pour me couper des autres. Elle est cette fenêtre qui n’appartient qu’à moi grâce à laquelle je peux découvrir le monde.

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  • Pour une humanité plurielle...

    Nous reproduisons ci-dessous un éditorial de Robert de Herte (alias Alain de Benoist), publié en juillet 2003 dans la revue Eléments et consacré aux peuples menacés.

     

     

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    Pour une humanité plurielle

    Les « populations autochtones » – dites parfois « indigènes » ou « tribales » – représentent à l’heure actuelle environ 350 millions d’hommes répartis entre plus de 5000 ethnies. L’actualité les évoque parfois, qu’il s’agisse des Inuits du Canada, des Bushmen du Kalahari, des Papous de Nouvelle-Guinée, des Batwa (Pygmées) d’Afrique centrale, des Aborigènes d’Australie, des Yanomanis du Brésil et du Venezuela, des Nambikwara du Matto Grosso, des Naga de Birmanie, des Iakoutes de Sibérie, des Touaregs d’Algérie et du Maroc, des Masaï du Kenya, des Hmong du Vietnam, des Aïnous du Japon, des Karens de Birmanie, des Penan de Bornéo, des Saami de l’extrême nord européen, des Amérindiens de Guyane. Bien décrite par un Jean Malaurie, un Lucien Bodard ou un Jean Raspail, dans une tradition qui va de Montaigne à Lévi-Strauss, leur condition est dans le meilleur des cas celle de minorités ethniques et culturelles. Mais avec une tendance lourde : vingt à trente langues ou dialectes disparaissent chaque année.

     

    Tout peuple est par définition menacé. Ceux-là le sont d’une manière particulière : ils ont été victimes du plus fondamental « choc des civilisations » de l’histoire, le choc avec le modèle occidental. Au fils des siècles, ils ont été successivement victimes du paternalisme des missionnaires, du feu des militaires et de l’intérêt des marchands. Depuis 2000 ans, l’Occident n’a jamais cessé de vouloir convertir, assimiler, imposer. Il a violé les âmes, dépossédé les communautés de leurs terres, colonisé leur imaginaire, détruit leur système de croyances. Il l’a fait parce qu’il croyait invariablement que ce qu’il apportait était ce qu’il y avait de meilleur, et qu’il en était la meilleure incarnation possible. On a ainsi procédé au saccage des milieux naturels, des traditions locales et des savoirs enracinés. L’occupation des terres, la déforestation, la pollution, les maladies, l’alcool et la télévision ont fait le reste.

     

    Ce n’est ni le romantisme ni le goût de l’exotisme qui conduit à s’intéresser à ces peuples, et moins encore une conception de la vie qui conduirait à ne plus s’attacher à son bien propre. C’est bien plutôt la claire conscience que, dans une vision traditionnelle du monde, il n’y a jamais de séparation totale entre les êtres : seule le principe d’une commune appartenance peut fonder l’harmonie « cosmique ».

     

    Deux attitudes opposées menacent ce principe : la xénophobie et l’universalisme. D’un côté, ceux qui se font gloire de ne s’intéresser qu’aux leurs ou à eux-mêmes (c’est le principe même de l’individualisme), de l’autre, ceux qui ne s’intéressent à tous les hommes que l’idée de leur indistinction. Quand l’amour des siens devient prétexte pour rabaisser ou nier les qualités des autres, ou refus de reconnaître ce qu’ils peuvent avoir à nous apprendre, la xénophobie domine : on se donne alors le droit de supprimer les autres. Mais l’universalisme menace lui aussi la vie humaine, car il ne garantit de libertés et de droits qu’aux convertis, à ceux qui ont accepté de se conformer au modèle dominant. Il exige de l’Autre qu’il cesse d’être Autre, car en lui il ne veut reconnaître que le Même. Or, le fait naturel de l’altérité ne doit conduire ni à la négation ni à l’assimilation, mais à la reconnaissance et à la réciprocité. Les cultures sont des ensembles cohérents par eux-mêmes, mais ce ne sont pas des planètes séparées. L’Un et le Multiple doivent donc être saisis ensemble, d’un même mouvement. L’altérité est toujours un bien positif face à l’idéologie du Même.

     

    Historiquement, c’est dans la Bible qu’apparaît, non pas seulement le droit moral de tuer, mais le devoir de massacrer certains peuples. C’est au nom de Yahvé que des populations entières ont été vouées à l’anathème (hérem), c’est-à-dire exterminées, anéanties corps et biens (Deut. 20,13) ; Josué 6,17). Pour la première fois, l’altérité fut alors désignée comme le danger, comme le mal. Or, le seul moyen de vaincre le mal, c’est d’en extirper jusqu’aux racines. A l’origine, le précepte du Décalogue : « Tu ne tueras pas » signifie seulement : tu ne tueras pas les tiens, ou bien : tu ne tueras pas en dehors des cas où il est prescrit de tuer !

     

    L’ethnocide n’est pas toujours brutal. Il y a même bien des façons pour un peuple d’être dépossédé de lui-même : la domination politique, l’immigration incontrôlée, l’hégémonie culturelle, l’assimilation. Les Vendéens le furent en leur temps différemment des Sioux et des Iroquois. Aujourd’hui, les Yanomanis ou les Indiens du Chiapas sont menacés à leur manière, les Berbères et les Tibétains aussi, les Palestiniens également.

     

    Mais il y a encore une autre raison de s’intéresser aux peuples menacés. C’est que ces peuples ont souvent su maintenir ce que nous avons connu nous-mêmes, mais que nous n’avons pas été capables de conserver. C’est chez eux que subsiste une vision cosmique et holiste du monde, où les notions de tradition, de communauté et de clan n’ont pas encore perdu leur sens. L’éthique de l’honneur, le système vindicatoire, les groupes de lignages, le sens de l’hospitalité, les épreuves initiatiques et les rites de passage, relèvent de cette vision du monde. Un monde où la terre est sacrée, où la parole engage plus que l’écrit, où les animaux sont nos frères, où ce qui a de la valeur ne peut s’acheter ni se vendre. « Que l’idée nous plaise ou non, écrit Teddy Goldsmith, les peuples vernaculaires détiennent une véritable sagesse dans leur rapport au cosmos ». Il y a plus de véritable socialité organique sur le moindre marché africain que dans n’importe quel supermarché occidental, qui n’est que le reflet du nihilisme contemporain.

     

    La Genèse prétend qu’au commencement, « tout le monde se servait d’une même langue et des mêmes mots » (Gen. 11,1). C’est encore un mensonge. L’humanité a toujours été plurielle. Mais c’est précisément cette diversité qui est aujourd’hui menacée. La destruction exponentielle du monde par une société en proie à l’obsession du « développement » résulte d’une perspective dans laquelle le « progrès » se définit comme une lutte contre la nature, oubliant que les systèmes naturels tendent à maintenir l’ordre des ensembles dont ils font partie. Avec la globalisation, il semble n’y avoir plus de place dans le monde que pour un seul monde. Mais la globalisation suscite le renouveau identitaire comme l’exil stimule le désir de patrie. « Vivre comme l’autre de l’autre, dit Hans-Georg Gadamer, cette tâche humaine fondamentale vaut à une échelle infime comme à une échelle supérieure ». La biodiversité commence avec la diversité humaine, c’est-à-dire la sociodiversité.

     

    Les peuples menacés ne sont pas des « bons sauvages ». Ils ne sont pas non plus des peuples fossiles, « arriérés » ou « primitifs », des témoins d’un stade dépassé de l’histoire, mais des peuples qui possèdent des cultures distinctes et des manières différentes d’être au monde qui, en tant que telles, sont aussi porteuses d’avenir. C’est pour cela que nous avons besoin d’eux. Ils essaient de survivre au moment où nous croyons vivre, alors que pour tout ce qui est important nous sommes devenus plus pauvres qu’eux.

    Robert de Herte (Eléments, juillet 2003)

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  • L'argent...

    Nous reproduisons ici l'éditorial de Robert de Herte (alias Alain de Benoist) consacré à l'argent et publié dans le numéro 138 (janvier-mars 2011) de la revue Eléments.

    Cette revue peut être achetée en kiosque ou commandée ici

     

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    L’ARGENT

    Bien entendu, tout le monde préfère en avoir un peu plus qu’un peu moins. « L’argent ne fait pas le bonheur, mais il y contribue », dit l’adage populaire. Encore faudrait-il savoir ce qu’est le bonheur. Max Weber écrivait en 1905 : « Un homme ne souhaite pas “par nature” gagner toujours plus d’argent : il veut simplement vivre comme il a l’habitude de vivre et gagner autant qu’il lui est nécessaire pour cela ». Depuis, de nombreuses enquêtes ont montré une dissociation relative entre la progression du niveau de vie et celle du niveau de satisfaction des individus : passé un certain seuil, avoir plus ne rend pas plus heureux. En 1974, les travaux de Richard Easterlin avaient établi que le niveau moyen de satisfaction déclaré par les populations était resté pratiquement le même depuis 1945, malgré l’augmentation spectaculaire de la richesse dans les pays développés. (Ce « paradoxe d’Easterlin » a encore été confirmé récemment). L’incapacité des indices mesurant la croissance matérielle, comme le PIB, à évaluer le bien-être réel est aussi bien connue – surtout au plan collectif, puisqu’il n’existe pas de fonction de choix indiscutable permettant d’agréger des préférences individuelles en préférences sociales.

    Il est tentant de ne voir dans l’argent qu’un outil de la puissance. Le vieux projet d’une dissociation radicale du pouvoir et de la richesse (soit on est riche, soit on est puissant) restera longtemps encore un rêve, malheureusement. Autrefois, on devenait riche parce qu’on était puissant ; aujourd’hui, on est puissant parce qu’on est riche. L’accumulation de l’argent est vite devenu, non le moyen de l’expansion marchande, comme le croient certains, mais le but même de la production de marchandises. La Forme-Capital n’a pas d’autre objet que l’illimitation du profit, l’accumulation sans fin de l’argent. Le pouvoir d’accumuler l’argent donne évidemment un pouvoir discrétionnaire à ceux qui le possèdent. La spéculation monétaire domine la gouvernance mondiale. Et le brigandage spéculatif reste la méthode de captation préférée du capitalisme.

    L’argent ne se confond cependant pas avec la monnaie. La naissance de la monnaie s'explique par le développement de l'échange marchand. C'est en effet seulement dans l'échange que les objets acquièrent une dimension d'économicité. Et c'est également dans l'échange que la valeur économique se trouve dotée d'une complète objectivité, puisque les biens échangés échappent alors à la subjectivité d'un seul pour se mesurer à la relation qui existe entre des subjectivités différentes. En tant qu'équivalent général, la monnaie est intrinsèquement unificatrice. Ramenant tous les biens à un dénominateur commun, elle rend du même coup les échanges homogènes. Aristote le constatait déjà : « Toutes les choses qui sont échangées doivent être en quelque façon comparables. C'est à cette fin que la monnaie a été inventée, et qu'elle devient en un sens un intermédiaire ; car elle mesure toutes choses ». En créant une perspective à partir de laquelle les choses les plus différentes peuvent être évaluées par un nombre, la monnaie les rend donc en quelque sorte égales : elle ramène toutes les qualités qui les distinguent à une simple logique du plus et du moins. L’argent est cet étalon universel qui permet d’assurer l’équivalence abstraite de toutes les marchandises. Il est l’équivalent général, qui ramène toutes les qualités à une évaluation en quantité, puisque la valeur marchande n’est capable que d’une différenciation quantitative. 

    Mais, du même coup, l'échange égalise aussi la personnalité des échangistes. En révélant la compatibilité de leurs offres et de leurs demandes, il établit l'interchangeabilité de leurs désirs et, à terme, l'interchangeabilité des hommes qui sont le lieu de ces désirs. « Le règne de l'argent, observe Jean-Joseph Goux, c'est le règne de la mesure unique à partir de laquelle toutes les choses et toutes les activités humaines peuvent être évaluées [...] Une certaine configuration monothéiste de la forme valeur équivalent général apparaît clairement ici. La rationalité monétaire, fondée sur l'étalon unique de mesure des valeurs, fait système avec une certaine monovalence théologique ». Monothéisme du marché. « L'argent, écrit Marx, est la marchandise qui a pour caractère l'aliénation absolue, parce qu'il est le produit de l'aliénation universelle de toutes les autres marchandises ».

    L’argent, c’est donc beaucoup plus que l’argent – et la plus grande erreur serait de croire qu’il est « neutre ». Pas plus que la science, la technique ou le langage, l’argent n’est neutre. Il y a vingt-trois siècles, Aristote observait que « la cupidité de l’humanité est insatiable ». Insatiable est le mot : il n’y en a jamais assez – et parce qu’il n’y en a jamais assez, il ne saurait évidemment y en avoir de trop. Le désir d’argent est un désir qui ne peut jamais être satisfait parce qu’il se nourrit de lui-même. Toute quantité, quelle qu'elle soit, peut en effet toujours être augmentée d'une unité, en sorte que le mieux s'y confond toujours avec le plus. Ce dont on peut avoir toujours plus, on n'a jamais assez. C’est bien pour cela que les anciennes religions européennes n’ont cessé de mettre en garde contre la passion de l’argent pour lui-même : mythe de Gullweig, mythe de Midas, mythe de l’Anneau de Polycrate – le « déclin des dieux » (ragnarökr) étant lui-même la conséquence d’une convoitise (l’« or du Rhin »).

    « Nous courons le risque, écrivait il y a quelques années Michel Winock, de voir l'argent, la réussite financière, devenir le seul étalon de la considération sociale, le seul but de la vie ». C’est très exactement là que nous en sommes. De nos jours, l’argent fait l’unanimité. La droite s’en est faite depuis longtemps la servante. La gauche institutionnelle, sous couvert de « réalisme », s’est ralliée bruyamment à l'économie de marché, c'est-à-dire à la gestion libérale du capital. Le langage de l'économie est devenu omniprésent. L’argent est désormais le point de passage obligé de toutes les formes de désir qui s’expriment dans le registre marchand. Le système de l’argent, pourtant, n’aura qu’un temps. L'argent périra par l'argent, c'est-à-dire par l'hyperinflation, la faillite et le surendettement. On comprendra alors, peut-être, qu’on n’est jamais vraiment riche que de ce que l’on a donné. 

    Robert de HERTE

     

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  • La politique de la misère...

    Le nouveau numéro de la revue Eléments (n°138, janvier-mars 2011) arrive en kiosque cette semaine. Il est aussi possible de se le procurer sur le site de la revue. Le dossier central de cette livraison est consacré la politique de paupérisation des peuples européens.

      

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    Au sommaire : 

    L’actualité des idées, des sciences, du cinéma, des arts et des lettres

     

    Monopolémique (Frédéric Guchemand)

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  • Contre l'homogénéisation planétaire !

    Dans notre rubrique archives, nous mettons en ligne un éditorial de Robert de Herte (alias Alain de Benoist), dans la revue Eléments (n°100, mars 2001), consacré au localisme.

     

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    L'heure de la micropolitique
     
    A l'époque de la modernité, la politique a été pensée de façon essentiellement institutionnelle ou constestataire de l'institution. Le pouvoir central était l'enjeu des pratiques et des luttes politiques. Quand les mécontents étaient trop nombreux, on assistait à des mouvements de colère, voire à des insurrections. Aujourd'hui, on assiste à une implosion. On ne se mobilise plus, on se détourne. Non seulement les pouvoirs officiels sont de plus en plus impuissants, mais l'abstention ne cesse de progresser. D'autant plus coupés du peuple qu'ils veulent être " proches de lui ", les politiciens ont beau assurer de façon pathétique leur " souci de transparence ", leurs programmes n'intéressent plus.
    Ceux qui ne comprennent pas que le monde a changé s'en désolent. Voyant s'effacer leur paysage familier, ils éprouvent un sentiment de dissolution. Ils confondent la fin d'un monde - le leur - et la fin du monde. Ils oublient que l'histoire est ouverte, et que ce qui se défait annonce des recompositions nouvelles. Comme la vague, dit Michel Maffesoli, qui avance alors qu'elle paraît reculer.
    Il ne faut pas en effet se tromper sur ce mouvement de retrait, en l'interprétant par exemple comme une " désertion " de type classique. Il s'agit en effet d'une nouvelle secessio plebis. Comme parfois chez l'individu, le corps ne suit plus. Mais ici, c'est du corps social qu'il s'agit. Dans un mouvement de sédition instinctive, ce corps social se dérobe à la conscience de l'institution, de la puissance sociétale. Il ne se reconnait plus dans l'institué, dans la classe politique. Ce n'est pas qu'il est devenu indifférent à tout. C'est seulement qu'il a compris que la vraie vie est ailleurs.
    Cette dynamique est déroutante parce que, contrairement à ce que l'on voyait autrefois, elle ne se finalise pas. Elle n'est pas guidée par de vastes théories, et ne se fixe pas de grands objectifs à atteindre. Les grandes notions abstraites (patrie, classe, progrès, etc.) à la lumière desquelles on avait voulu changer le monde pour le rendre meilleur, avec pour seul effet de le rendre pire, apparaissent désormais comme vides de sens. L'Histoire (avec une majuscule) est désertée au profit des histoires particulières, les " grands récits " au profit des narrations locales. Après quinze siècles de doctrines qui prétendaient dire comment le monde devait être, on en revient à l'idée que le monde doit être pris tel qu'il est. Il ne faut pas avoir peur de ce mouvement, de ce foisonnement à la fois opaque et prometteur.
    La mondialisation, qui constitue désormais le cadre de notre histoire, n'est pas moins paradoxale. D'un côté, elle est unidimensionnelle, semblant provoquer partout l'extinction de la diversité sous toutes ses formes. De l'autre, elle entraîne une fragmentation inédite. Ce faisant, elle restitue la possibilité d'un mode de vie " autopoïétique ", fondé sur l'auto-organisation à tous les niveaux, et d'abord la possibilité d'un type de pratique démocratique qui était devenu impossible dans des ensembles unitaires trop grands.
    L'action locale permet en effet d'envisager un retour à une démocratie directe, de type organique et communautaire. Une telle démocratie, prenant en compte aussi bien le moment de la délibération que celui de la décision, implique d'abord une large participation. Elle repose ensuite sur les notions de subsidiarité et de réciprocité. Subsidiarité : que les collectivités puissent le plus possible décider par elles-mêmes pour ce qui les concerne, en ne déléguant au niveau supérieur que la part de pouvoir qu'elles ne peuvent exercer. Réciprocité : que le pouvoir de décider donné à quelques-uns soit assorti du pouvoir donné à tous de contrôler ceux qui décident. Une telle démarche répond à la définition du pouvoir donné par Hannah Arendt, non comme une contrainte, mais comme un pouvoir de faire et d'agir ensemble. Elle revient à penser la vie politique à partir de la notion d'autosuffisance, en cherchant à créer les conditions de cette autosuffisance à tous les niveaux : familles élargies ou recomposées, communautés de quartier, de villes et de régions, comités locaux, systèmes intercommunaux, écosystèmes et marchés locaux.
    La Révolution de 1789, consacrant les droits de l'individu indépendamment de toute appartenance communautaire, a voulu mettre fin au système des associations, auquel elle reprochait de faire écran entre l'individu et l'Etat souverain. Rousseau n'était pourtant pas hostile au régime associatif, dont Tocqueville devait faire après lui l'un des outils de la liberté. Au XIXe siècle, le modèle de la représentation n'a cessé d'être concurrencé par celui de l'association. " L'idée proudhonienne du fédéralisme, rapporte Joël Roman, fut explicitement proposée en opposition à la représentation politique, et le mouvement ouvrier naissant se retrouva davantage dans la notion d'association." (La démocratie des individus, Calmann-Lévy, 1988, p. 129). Ce modèle a par la suite inspiré les expériences les plus diverses (conseillistes, communautaires et coopératives). Il renaît aujourd'hui, avec une portée nouvelle.
    La notion de communauté est directement liée à celle de démocratie locale. En même temps qu'une réalité humaine immédiate, la communauté est un instrument de création de l'imaginaire social. C'est à partir d'elle qu'il est possible aujourd'hui de recréer le collectif. La dimension collective associe ceux qui ont une cause à faire valoir en commun : appartient à ma communauté celui qui, dans la vie de tous les jours, ets confronté aux mêmes problèmes que moi. Mettre l'accent sur les communautés revient à réhabiliter les " matries " charnelles, concrètes, à côté de la patrie abstraite, surplombante, anonyme et lointaine. Ce réenracinement dynamique, ouvert, n'est pas de l'ordre de la régression, de la clôture ou du sur-place. Il privilégie les notions de réciprocité, d'entraide, de solidarités de proximité, d'échanges de services et d'économies parallèles, de valeurs partagées. La résistance à l'homogénéisation planétaire ne peut se faire qu'au niveau local.
    Penser globalement, agir localement : tel est le mot d'ordre de la micropolitique. Il s'agit d'en finir avec l'autorité et l'expertise qui viennent d'en haut, édictant à partir du sommet de la pyramide des règles générales, en même temps qu'avec une société où la richesse augmente au même rythme que se défait le lien social. Contre la mentalité d'assistance et l'Etat-Providence, il s'agir de travailler à la reconstitution de réseaux de réciprocité, à la resocialisation du travail autonome, à l'apparition de nouvelles " niches " sociales, à la multiplication des " noeuds " au sein des " réseaux ". Il s'agit de faire réapparaître l'" homme habitant " (Pierre George) par opposition à l'homme qui n'est que producteur ou consommateur. Il s'agit de remettre le local au centre, et le global à la périphérie. Retour au lieu, au paysage, à l'écosystème, à l'équilibre. La vraie vie est ailleurs !
     
    Robert de Herte (Eléments n°100, mars 2001)
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